Work in Cholas réinvente le télétravail

Les locaux principaux de Work in Cholas, Las Palmas, Gran Canaria

Par Maurice KOUTCHIKA

De l’époque Covid, il subsiste deux conclusions positives : la planète a respiré et le monde du travail a adopté une nouvelle façon de travailler, dont tous ont tiré grand bénéfice. Si les entreprises ont pu s’alléger nombre de dépenses comptables, les travailleurs ont pu eux découvrir la joie de travailler depuis chez soi.

Le Covid est heureusement passé, mais ce plaisir reste intact, dans les Canaries, en tout cas. Si vous avez toujours souhaité travailler pour une entreprise à Londres, tout en sirotant un thé au gingembre après une session de surf à Las Canteras, vous devriez faire un tour dans les locaux de Work in Cholas (WiC). Cet espace de travail atypique, niché au cœur de Las Palmas, dans l’archipel des Canaries, porte la signature d’une vision du télétravail fondée sur la liberté, la communauté et l’ancrage territorial.

« Cholas », c’est en effet le mot canarien pour désigner des tongs. Travailler au WiC, c’est remplir ses missions professionnelles, certes avec le sérieux qu’il requiert, mais dans une ambiance détendue, avec les pieds dans le sable et le regard tourné vers l’océan. Y déposer son ordinateur, c’est aussi nouer des liens avec d’autres professionnels d’horizons divers. Pour la simple raison qu’en plus du coworking, WiC est aussi un espace de coliving qui s’adresse à une génération de professionnels nomades ou semi-sédentaires, à la recherche de flexibilité, de sens et de qualité de vie.

Remettre l’humain au centre de la profession

Ainsi, à rebours du cliché du nomade digital solitaire, Work in Cholas veut créer de la connexion humaine et professionnelle. Les lieux sont pensés comme des hubs de savoir, où se croisent développeurs de Paris, consultantes de Berlin, équipes new-yorkaises et créateurs d’Amérique latine. Des événements variés (ateliers, conférences, speed datings business, journées sur la durabilité…) sont organisés pour favoriser les synergies. Porté par la société Repeople, Work in Cholas promeut pour ainsi dire un travail à distance moins rigide, qui valorise la culture de l’île. Repeople, c’est reconnecter les gens, éviter la fuite des talents locaux, leur montrer qu’il est possible de réussir sur cette île qui fait déjà le bonheur d’autres professionnels.

Manon et Mathieu, deux étudiants du M1 ComNum mènent l’entretien avec Christian Buss, Responsable des espaces WiC

Pour les fondateurs de Repeople, le télétravail ne doit pas être synonyme d’isolement, comme durant les confinements, mais l’opportunité de rejoindre une communauté de personnes inspirantes, d’élargir ses horizons, et de construire de nouveaux équilibres de vie. L’enjeu est simple : faire du télétravail un levier d’attractivité territoriale, de développement économique et de dynamisme culturel, plutôt qu’un facteur de fracture sociale.

Depuis la pandémie pendant laquelle l’entreprise est créée, les profils de travailleur ont évolué. Le stéréotype du jeune homme freelance et surfeur a laissé place à une communauté plus diverse :

  • L’âge moyen dépasse désormais les 30 ans ;
  • 50 % des résidents des espaces de coliving sont des femmes ;
  • La moitié sont des salariés en télétravail régulier ;
  • Des familles, des couples, des profils seniors s’installent pour plusieurs semaines ou mois.

Une solution plébiscitée

On y vient pour tester, on y revient pour rester. La majorité des résidents reviennent chaque hiver. Ils ne sont plus vraiment « nomades ». Ce sont des communautés fidèles, qui se retrouvent, travaillent ensemble et tissent des liens durables. Le succès de Work in Cholas rend de fait possible une économie du télétravail éthique, ancrée localement et tournée vers l’avenir. Les îles, les régions rurales, les zones oubliées des grandes métropoles peuvent donc devenir des pôles d’innovation, à condition de miser sur l’humain.

Les Canaries attirent certes de plus en plus de travailleurs à distance, augmentant de fait le coût du logement, mais Repeople refuse de porter le chapeau du bouc émissaire facile. L’entreprise ne concurrence pas les logements accessibles aux locaux. Elle occupe des villas inoccupées, souvent trop haut de gamme pour le marché résidentiel classique. Elle milite également pour une régulation juste, des incitations fiscales à la rénovation, et une stratégie d’aménagement soutenue par les pouvoirs publics.