Femme qui tient son téléphone dans la main gauche et qui est aussi devant son ordinateur et semble travailler.

Méthodologie d’enquête : comment nous avons étudié les digital nomads à Las Palmas

Avant notre départ à Las Palmas, les groupes de travail ont été créés en fonction des sujets traités. Nous avons alors choisi de traiter un sujet qui permet d’introduire une perspective nouvelle afin de questionner des points de vue différents. 

Il nous semblait donc pertinent d’étudier le prisme des habitants de l’île accueillant les digitals nomads, pour ainsi évaluer l’impact de l’arrivée de ses travailleurs sur l’île, mais aussi l’évolution depuis une dizaine d’années.

Une enquête de terrain construite sur la diversité des approches

Pour cela nous nous sommes questionnés sur les méthodes susceptibles d’être les plus fructueuses. Nous avons donc élaboré différents supports de recherches :

  • Un QR code imprimé, accompagné d’explications en anglais et en espagnol, qui permettait d’accéder à un questionnaire sur la vie des habitants depuis l’arrivée de ces travailleurs 
  • Un entretien semi-directif 
  • Une rencontre avec une professeure en tourisme à l’université de Las Palmas 
  • Des prises de contact avec des associations et personnes alliées du hashtag “CanariaTieneUnLimite” qui organise des manifestations et militent pour une régulation du tourisme 
  • Et enfin des questions pour un “micro-trottoir”.

À notre arrivée, nous avons donc pu interroger une professeur en tourisme, qui nous a exposé l’évolution de l’île depuis le développement du tourisme, et l’arrivée des digitals nomads sur l’île. Cet échange nous a permis d’améliorer notre compréhension du contexte et de relire les questions que nous avions préparées afin qu’elles se rapprochent au plus près de la réalité et de la situation. 

Par la suite, nous avons débuté les micro-trottoirs qui ont été utiles à la fois pour tester la clarté de notre formulaire et anticiper certaines réactions (par exemple : que faire si la personne qui y répond ne connaît pas le concept de “nomad digital” ?). 

Un rendez-vous a également été organisé avec trois étudiants canariens rencontrés à Paris lors de leur voyage académique. L’entretien s’est tenu dans une cafétéria, dans un cadre informel propice à l’échange

Enfin nous avons achevé notre enquête de terrain en allant à la rencontre des passants avec notre QR Code pour les inviter à répondre à notre formulaire.

Pour compléter notre étude, nous avons diffusé un questionnaire accessible via un QR code. Nous avons abordé des passants dans les rues afin de leur proposer de le scanner. Ce format permet de toucher un public large, et de recueillir des données qui sont structurées, et qui, par la suite, peuvent être utilisées aisément. Malheureusement, la réticence de nombreuses personnes à scanner le QR code (par méfiance ou désintérêt), ainsi que l’abandon en cours de questionnaire, ont limité le nombre de réponses. La réussite de cette méthode dépendait de la motivation des personnes rencontrées. 

Perceptions locales et limites méthodologiques

L’entretien avec les étudiants de l’île, nous a permis de mieux comprendre le phénomène des digitals nomades, grâce à une vision nuancée d’habitants, ainsi que leurs impacts concrets ou supposés sur la vie de l’île, des loyers, du commerce, du tourisme, etc. Être assis, autour d’un verre, nous a permis d’être détendu, afin que les étudiants puissent s’exprimer librement en prenant le temps nécessaire. De plus, ne vivant pas à Las Palmas, mais connaissant bien l’île, ils ont pu apporter un regard plus global et différent de celui des habitants de Las Palmas.  

trois personnes qui parlent dans des fauteuils dans un espace de travail.

En revanche, un entretien demande du temps, et beaucoup de préparation pour trouver les questions. L’entretien ne peut pas être totalement représentatif car il n’a été fait qu’avec une certaine tranche d’âge et de population.  De plus, il est possible que le fait que tous répondent en même temps ait engendré des biais cognitifs influençant les réponses. Par ailleurs, seule une personne de notre groupe a mené l’entretien, cela a pu affecter la qualité ou la spontanéité des réponses. 

Tourisme, travail et tensions : ce que dit une experte locale

La rencontre avec la professeure a offert un éclairage professionnel précieux sur la situation. Elle a permis de clarifier certains aspects et de nous faire découvrir des mouvements contestataires que nous ne connaissions pas. Toutefois, bien que cette entrevue ait été enrichissante, elle ne reflétait qu’un point de vue universitaire. Certaines réalités, restées hors de son champ de connaissance, ne pouvaient être pleinement envisagées. Ainsi, ses explications venaient en complément utile de notre enquête de terrain.

Le militantisme en ligne, un miroir déformant ?

Nous avons également cherché en ligne les personnes qui pouvaient nous apporter leurs points de vue. Pour cela nous avons examiné les personnes actives sous le hashtag “canariatieneunlimite”, il s’agissait donc de particuliers mais aussi d’associations (notamment écologiques), ou de professionnels du tourisme. Cependant, les personnes que nous avons trouvées, sont souvent très engagées et militantes, peu représentatives de la majorité silencieuse rencontrée sur le terrain. Malgré nos prises de contact sur les réseaux sociaux (notamment en réponse à un commentaire sous une vidéo YouTube), aucune de ces personnes n’a accepté d’entretien. Seule l’une d’entre elles a accepté de recevoir le questionnaire pour y répondre. Ainsi, bien qu’intéressante cette piste n’a pas été très fructueuse, et ne semblait pas refléter l’avis majoritaire de la population des Canaries.

Au-delà des méthodes : ce que révèle l’expérience de terrain

La réalisation de micro-trottoirs nous a permis d’être au contact direct des habitants de Las Palmas, afin de recueillir leurs impressions les plus sincères et spontanées. Il a simplement fallu préparer quelques questions, sans recours à du matériel spécifique.

Toutefois, nous avons été confrontés à la méconnaissance de ce sujet de la part des habitants. En effet, beaucoup ne connaissaient pas le phénomène des digital nomades. De plus, les habitants qui ont accepté de nous parler, cherchaient à écourter l’entretien en formulant des réponses brèves. La barrière de la langue a également été un frein important, une seule personne de notre groupe étant bilingue en espagnol. 

Cette enquête nous a permis de découvrir de manière concrète les enjeux et impacts liés à l’arrivée des digital nomads sur l’île. Grâce aux différentes méthodes utilisées nous avons pu croiser plusieurs regards et mieux analyser le phénomène. Malgré quelques limites méthodologiques, cette expérience sur le terrain s’est révélée précieuse pour mieux comprendre les différentes opinions et la complexité du sujet

Sabrina Begic & Soline Préau